Masques

di Annie Gamet

Maschere veneziane di Tiepolo

Mais tu ne meurs pas de ce que tu es malade ; tu meurs de ce que tu es vivant. La mort te tue bien sans le secours de la maladie.

Michel de Montaigne, Essais

Après deux mois de réclusion forcée pour cause de covid-19, juste ponctuée de sorties autorisées pour motifs spécifiques, traverser la ville enfin « déconfinée » en ce beau mois de mai 2020 a de quoi me surprendre. Je suis loin d’y trouver l’ambiance de liberté à laquelle je pouvais m’attendre. Comme pendant les semaines précédentes, même si quelques boutiques ont réouvert avec des conditions d’accès compliquées pour faire respecter les gestes barrières, les flâneurs sont rares, presque tous les gens que je rencontre sont pressés, apparemment juste sortis pour faire les courses indispensables, ils se dirigent tête baissée vers les magasins, à la porte desquels ils font patiemment la queue, debout dans les emplacements marqués au sol. Peu de sourires ou d’échanges même à distance.

Ce qui ne manque pas de m’étonner, compte tenu de la très faible densité des personnes dans les rues, c’est que la grande majorité d’entre elles soit masquée. Masques de tous genres, attachés derrière les oreilles ou autour de la tête, toute la gamme des masques jetables comme les chirurgicaux blancs ou verts, les becs de canard ou les groins de cochon, les coques en demi-sphères avec capsule d’aération, à plis déplissés ou lisses, rigides, épais ou minces comme du papier hygiénique, et celle des masques lavables, de fabrication artisanale ou ménagère, dont la multiplicité des formes et des couleurs reflète l’habileté et l’imagination créative des couturières. Et dans la crainte que cette barrière contre le virus ne suffise pas, certains protègent le masque par une visière en plexiglas, d’autres remontent leur capuche sur leurs cheveux, si bien que de leur visage ne sont visibles que les yeux au regard fuyant. En allant jusqu’au parc de la ville, dont les autorités ont cru bon de limiter l’accès à une seule allée de marronniers, je vois des enfants, même très jeunes, s’élancer sur leur vélo ou leur trottinette, eux aussi masqués. Par jeu ou par obéissance aux parents apeurés ? Les rappels que ceux-ci leur font ne me laissent pas de doute sur ce qui pourrait passer pour mauvais traitement à enfants, puisque les recommandations de l’État en matière de port du masque ne concernent que les enfants de plus de onze ans. En revanche, moi qui me promène le visage nu malgré mon âge qui statistiquement me classe parmi les personnes à risque susceptibles d’encombrer les services d’urgence, je ne vais pas tarder à croiser des regards réprobateurs. Qui sait même si je n’aurai pas droit à quelques remarques un peu aigres, de loin.

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