di Gianluca Virgilio
J’ai été invité à dire ce que je pense de la culture d’entreprise, dont, à vrai dire, je sais très peu de chose. Je sais que la culture d’entreprise, aujourd’hui, envahit toute la société, du secteur privé de l’industrie à celui de l’école, de la santé, du sport, jusqu’à celui de la gestion de l’État. L’État, a-t-on coutume de dire, est une grande entreprise ; mais la famille l’est aussi, de même que le single, puisque pour pouvoir bien vivre, même un single doit être un bon entrepreneur de soi-même, c’est à dire travailler et savoir administrer ses propres revenus financiers sous peine de tomber dans la pauvreté et le besoin.
Je crois que la culture d’entreprise consiste en une série de comportements sociaux dont la finalité est l’utile, qui est une catégorie philosophique, et pas seulement économique, dans laquelle se résume tout ce qui conduit l’homme à vivre dans une condition de bien-être matériel.
Cela dit, deux questions fondamentales se posent. La première concerne les modalités d’accès à l’utile, c’est à dire la moralité des choix entrepreneuriaux. L’entrepreneur qui, au mépris des lois de l’État, pollue l’environnement, s’enrichit en pratiquant pour ses travailleurs une politique de bas salaire, ou de travail au noir, sans leur garantir la sécurité sur le poste de travail, cet entrepreneur qui poursuit son propre utile particulier sans tenir compte de sa fonction sociale, loin d’une culture d’entreprise honorable, n’a que l’instinct du roublard et du profiteur. J’emploie l’adjectif honorable et le substantif honneur dans le sens où l’employait Francesco Guicciardini il y a presque cinquante ans, quand dans un des ses Souvenirs, il disait : « Comme font tous les hommes, j’ai désiré l’honneur et l’utile », où l’on voit bien comment Guicciardini réunit les deux termes honneur et utile de façon inséparable. Une culture d’entreprise honorable est fondée avant tout sur un utile partagé, non seulement par celui qui travaille dans l’entreprise mais aussi par la société tout entière qui en bénéficie.
La seconde question concerne le rapport entre la culture humaniste, moteur de nos traditions depuis de nombreux siècles, et la culture d’entreprise qui, depuis quelques décennies, semble l’avoir totalement supplantée.
Il y a quelques temps, j’ai lu dans un article de Sole 24 ore que quelques managers se consacrent parfois à la lecture de poètes et philosophes dans des cours organisés par l’entreprise pour interrompre de cette façon la routine de la gestion d’entreprise. Ce fait en dit long sur la nécessité ressentie dans quelques entreprises de ne pas couper les liens avec le monde des lettres et, d’une manière générale, ce qu’on appelait autrefois les arts libéraux. D’ailleurs, tout le monde connaît l’expérience de fusion des deux cultures initiée dans les années cinquante par Adriano Olivetti dans sa bonne ville d’Ivrea. Malheureusement, Adriano Olivetti n’a pas fait école et son exemple, semble-t-il, n’a plus jamais été suivi.
En fait, que quelques dirigeants d’entreprise décident, parfois, de se replonger dans les classiques lus dans leur jeunesse sur les bancs de l’école, cela, à mon avis, ne sert pas à grand chose, si ce n’est peut-être à les distraire un peu. De même, l’entreprise qui finance la restauration d’un monument ou la publication d’un livre fait certainement une action méritoire mais je ne crois pas qu’elle influence tant que cela la culture d’une communauté.
Par conséquent, c’est bien autre chose qu’on demande à une culture d’entreprise qui voudrait entretenir des rapports étroits et profitables avec notre tradition culturelle et se proposer comme continuation naturelle de cette tradition : prendre part activement à la promotion culturelle des communautés locales, soutenir les organismes locaux dans l’identification de tous les secteurs de la vie sociale en train d’être mis en valeur. Je pense aux bibliothèques, aux centres d’études, aux centres récréatifs, sportifs, aux lieux de rencontres. La vraie culture d’entreprise ne se réalise pas dans l’entreprise mais dans la société dont, en dernière analyse, elle partage toujours le destin.
Je me rends compte qu’à l’ère de la mondialisation, où les délocalisations d’entreprises font disparaître du jour au lendemain des secteurs entiers de vie productive, je demande trop. Pourtant, je suis d’avis qu’une vraie culture d’entreprise visant non seulement l’utile, mais aussi l’honneur, ne doit jamais oublier notre tradition culturelle, ni ignorer les besoins de la communauté, dont seule la satisfaction permet la réalisation d’une société harmonieuse et sans fracture.
(2006/2013)
(Traduzione di Annie et Walter Gamet)