di Gianluca Virgilio
De la route qui mène aux Padùli, un peu au-delà de la succession des petits champs, apparaissent les courbes que dessinent les roseaux du Canal de l’Asso, œuvre séculaire de bonification du territoire, destinée à collecter les eaux de pluie et à débarrasser les terrains de leurs eaux stagnantes. Une fois par an, au moyen d’une machine très bruyante, une équipe d’agents du service de l’Environnement envoyée par la Province procède à l’élimination des déchets qui s’accumulent dans le Canal, surtout dans les tronçons longeant la route principale, et à la coupe des roseaux qui y poussent florissants. À ces endroits-là, il est facile de déverser de la route des réfrigérateurs, des lave-vaisselle, des téléviseurs et toutes sortes d’objets tombés en désuétude ! J’imagine la faune qui pourrait y vivre sans le passage de la machine du service de l’Environnement, si assourdissante qu’elle effraie toute espèce animale : canards sauvages, petits rongeurs et autres animaux aquatiques. Il fut un temps où même les renards aménageaient leur tanière au milieu des roseaux sur le rebord extérieur. Il ne reste que des grenouilles et des crapauds à l’abri des pierres qui constituent la digue, laquelle cède parfois ici ou là sous l’effet des pluies excessives, inondant la campagne et nécessitant des réparations. C’est justement grâce à cette digue sinueuse que le Canal reste visible en hiver, avec le léger sillon qu’elle forme sur la surface plane de la campagne dénudée. D’après mon père, dans son enfance, à la belle saison, des petits garçons se baignaient dans l’eau du Canal, ce qui aujourd’hui serait impossible, parce que, l’été, autant qu’il m’en souvienne, on n’y a jamais vu un filet d’eau. Encore d’après lui, le soir des milliers d’hirondelles – aujourd’hui plutôt rares – se posaient dans les roseaux pour y dormir. Le Canal a dû avoir une fonction essentielle pour ce territoire, celle d’empêcher la stagnation des eaux et la formation d’un marécage. Padùli, en fait une métathèse du vocable palùdi, est le signe que l’homme s’est approprié le lieu et l’a assaini. Et ce ne sont pas les vore, surtout à la saison des pluies, qui pouvaient suffire, ces gouffres qui s’ouvrent ça et là dans la campagne et engloutissent les eaux charriées vers on ne sait quelle embouchure. Il est certain qu’il ne faut pas s’en approcher, comme chacun le sait, car s’y engager, c’est sceller son destin d’un aller sans retour.
(2002/2014)
[Traduzione di Annie et Walter Gamet]