Une première contribution propose d’étudier La memorialistica risorgimentale : aspetti e problemi (par Ermanno Paccagnini), en partant d’une réflexion sur le rapport entre le cours du processus unitaire dans la Péninsule italienne, le témoignage de ceux qui l’ont vécu et ont lutté pour son accomplissement, et le travail proprement littéraire qui suppose une part d’invention – à tout le moins d’une « expérience revisitée » (p. 21). L’auteur propose d’abord une lecture chronologique des mémoires de cette période, passe en revue les grands noms (Nievo, Pisacane, Cattaneo, la Belgiojoso, D’Azeglio, Orsini, Visconti Venosta, Settembrini, etc.), avant d’en venir aux Memorie de Castromediano, débutées en 1829, en prison, mais publiés des années plus tard. L’angle thématique, le problème du temps de l’écriture et la place de la mémoire historique sont évoqués, en insistant sur la démarche comparative qui préside à la lecture des innombrables mémoires de l’unité italienne. L’article qui suit est de la main d’Antonio Lucio Giannone, il s’intitule Epopea risorgimentale nel Sud : Sigismondo Castromediano e altri memorialisti. L’auteur souligne le peu de considération historique et documentaire que les mémoires de Castromediano – Carceri e galere politiche – ont provoqué chez les chercheurs. Pourtant cette œuvre mérite de sortir d’une damnatio memoriae (p. 65), et le travail de l’auteur consiste à replacer ses mémoires dans le contexte des témoignages de prisonniers patriotes italiens. Il effectue une lecture croisée et contrastive des documents de plusieurs patriotes méridionaux incarcérés, tout en prenant soin de rappeler l’historiographie et la critique spécialisées. Les épisodes les plus marquants de l’expérience carcérale de Castromediano sont analysés, en privilégiant les étapes d’une épopée méridionale, souvent oubliée ou négligée dans les livres d’histoire nationale. Fabio D’Astore traite quant à lui des Passi inediti di un manoscritto delle Memorie di Sigismondo Castromediano. Il revient lui aussi sur la nature problématique de la place de ce mémorialiste au sein d’un genre qui part de Pellico pour arriver à Settembrini. Les mémoires de Castromediano ne furent publiées qu’en 1895, et l’auteur de l’article analyse la genèse et le développement de cette œuvre, depuis la prison en 1848 jusqu’à Turin, où les manuscrits prennent peu à peu forme, trente ans après l’arrestation. Ce sont des mémoires « turinoises » (p. 90), et l’auteur exploite la correspondance de Castromediano pour montrer comment l’achèvement et la publication adviennent difficilement. Une comparaison entre plusieurs manuscrits des mémoires permet ainsi de comprendre le travail de révision, avec une précision philologique et une méthode critique génétique qui s’appuient sur plusieurs photographies des manuscrits. L’article suivant est écrit par Maria Alessandra Marcellan, il traite de Sigismondo Castromediano e il salotto della famiglia Savio. Castromediano, ayant vécu plusieurs années en prison, arrive à Turin en tant qu’exilé du Royaume des Deux-Siciles en 1859 et se rallie à la cause piémontaise menée par Cavour. Dans cette ville il côtoie d’autres exilés, et notamment le salon d’Olimpia Savio, « la signora di Millerose ». L’auteure retrace l’atmosphère des salons turinois qui accueillaient des intellectuels patriotes et souvent des réfugiés venus de toute la Péninsule. Elle brosse le portrait d’Olimpia Savio, épouse de l’avocat Andrea Savio. Une collection de photographies sur les lieux de la Turin des années d’exil de Castromediano complète l’essai. Salvatore Coppola propose de se pencher sur L’attività poliico-parlamentare di Sigismondo Castromediano dopo l’Unità d’Italia. C’est la période qui va de 1861 à 1865 qui constitue le sujet de l’article. Castromediano est élu député pour le Collège de Campi Salentina en 1861 et siège au premier parlement du royaume italien. Ici l’auteur s’intéresse surtout à la formation et au parcours politique du personnage, à ses prises de position, à ses déclarations, en le définissant comme « un riformatore illuminato, un moderato », à ses débuts, avant 1848, et jusqu’au Parlement. Les documents épistolaires examinés montrent l’activité parlementaire, notamment au moment des troubles méridionaux liés au « brigantaggio » et des réflexions sur la modernisation du système quasi féodal en vigueur dans le Mezzogiorno. On met en évidence les positions et les propositions du député des Pouilles en les confrontant aux positions d’autres députés. Emilio Filieri étudie pour sa part la confrontation entre deux patriotes, Barone Rossi vs. Duca Castromediano. Una polemica, due patrioti e sei lettere inedite. Le duc blanc du Salento est mis en regard d’une autre figure risorgimentale, Beniamino Rossi, lui aussi originaire du sud des Pouilles. Musicien et protecteur des musiciens, Rossi fut considéré comme « ‘italianissimo’ compositore » (p. 189) par la critique Luisa Cosi. C’est l’amitié entre Castromediano et Rossi qui constitue le sujet de l’article, une amitié qui se transforme en polémique, dans les années 1860, au moment des réformes du système féodal, avec l’opposition entre Castromediano, député piémontais, et Rossi, propriétaire terrien. Les six lettres inédites entre les deux amis sont citées et étudiées, pour les années 1862-1865, en plein débat parlementaire sur les réformes à voter. L’article suivant concerne encore le rôle politique qu’a joué Castromediano : Paolo Agostino Vetrugno traite de Il bene pubblico come bene comune in Sigismondo Castromediano. C’est l’activité politique locale du personnage historique – élu conseiller provincial du Salento – qui a contribué à la création du musée archéologique de Lecce, en 1868. L’auteur explique le contexte de la politique culturelle locale et la façon dont le conseiller Castromediano fut un promoteur de premier plan pour sa région. Andrea Scardicchino écrit un article intitulé « Scuoter le masse dall’ignoranza e nutrirle col pane del sapere ». La battaglia pedagogica di Sigismondo Castromediano (con lettere inedite di Luisa Amalia Paladini). Après l’activité de politique culturelle voici un autre aspect du rôle essentiel que Castromediano a exercé dans sa province. Après la défaite aux élections locales de 1874 – dix ans après le retour dans sa région – l’ex-député et conseiller adresse une lettre ouverte polémique à ses amis de Lecce. C’est le texte de cette lettre qui est analysé, et plus particulièrement les allusions à la politique d’éducation et d’instruction. On revient donc sur les positions de Castromediano sur l’école. L’ancien patriote expose ses idées pédagogiques pour une éducation des masses méridionales. L’article s’achève avec la correspondance, inédite, entre Castromediano et Luisa Amalia Paladini, écrivaine et pédagogue. Dans Castromediano volgarizzatore del Boccaccio Marco Leone nous rappelle que le personnage historique et l’homme politique s’accompagnent d’un homme de lettres, certes modeste, mais qui mérite d’être étudié. Ici l’auteur prend en examen le texte de la neuvième nouvelle de la première journée du Décaméron de Boccace traduite en dialecte de Lecce par Castromediano et publié en 1875. On présente les caractéristiques du dialecte sélectionné pour l’opération de traslatio ainsi que les notes qui y figurent, avec l’intention de fournir des clés pour comprendre le type de version de la nouvelle qu’a proposée Castromediano à son époque. Rosellina D’Arpe révèle à son tour Un contributo alla storia di Terra d’Otranto : i Castromediano di Lymburg e la loro memoria storica. Elle présente les archives de la famille Castromediano de Lymburg avec des documents allant du xvie au xxe siècle, en se concentrant sur la période qui correspond à la vie et à l’activité publique de Sigismondo. La contribution de ce personnage local et national à l’essor culturel de sa ville natale est traité par Alessandro Laporta dans Sigismondo Castromediano e la sua biblioteca. La culture du duc s’étend de la philosophie du Settecento aux traités d’époque risorgimentale, en passant par des œuvres littéraires. L’auteur part du principe que cette bibliothèque privée constitue « un osservatorio assolutamente speciale » (p. 342) pour mieux cerner les nuances de la culture de Sigismondo. Le dernier article du volume est de la main de Gigi Montonato, il s’intitule Notizia intorno al recupero di un manoscritto delle Memorie di Sigismondo Castromediano. L’auteur analyse le manuscrit autographe des Carceri e galere politiche confié par Luciana Scardia. Il s’agit d’une description précise du document et des fascicules qui le composent. L’auteur s’interroge sur l’histoire de ce manuscrit, sur la comparaison avec les versions publiées des mémoires, dont on rappellera, au passage, une édition récente, en 2005 (puis en 2011).
Ce volume célèbre de manière glorieuse l’anniversaire de la naissance de Castromediano et les 150 ans de l’Unité italienne. Il permet d’approfondir les connaissances les plus pointues sur ce personnage multiple et mal connu de l’histoire risorgimentale et post-risorgimentale.
[Recensione a Sigismondo Castromediano: il patriota, lo scrittore, il promotore di cultura, a cura di Antonio Lucio Giannone e Fabio D’Astore, Mario Congedo editore, Galatina (Lecce), 2014 In “Italies”, (CAER), Centre de recherches d’Aix Marseille Université, n. 19, 2015, pp. 353-355]