Parmi les contributions les plus significatives du volume, l’article d’Ermanno Paccagnini présente l’état actuel des recherches sur les mémoires du Risorgimento. Ce genre littéraire, pratiqué par de très nombreux patriotes (parmi lesquels se détachent Silvio Pellico, Luigi Settembrini, Giuseppe Garibaldi, Massimo D’Azeglio) aux parcours idéologiques et de vie très dissemblables, fait ressortir la nécessité douloureuse partagée par tous de fixer les moments exceptionnels de leur vie privée et de l’histoire nationale pour laisser une trace durable, ayant la valeur d’un message laissé à la postérité. La contribution d’Antonio Lucio Giannone restreint le regard aux mémoires des écrivains méridionaux, dans lesquels il repère des traits communs aussi bien en ce qui concerne leur finalité (la construction d’une épopée des « martyrs » du Risorgimento) que dans la description de certains épisodes (la vie en captivité et leur libération notamment).
Ouvrant la seconde partie du volume, Maria Alessandra Marcellan examine le salon turinois de la famille aristocratique des Savio, dans lequel Castromediano noua des relations significatives, pour montrer l’importance des lieux de sociabilité publique au cours du Risorgimento, où les destins futurs de la nation italienne étaient décidés. Les batailles civiles du duc-député sont au centre des articles de Salvatore Coppola, Emilio Filieri et Andrea Scardicchio : le premier examine la brève parenthèse du mandat parlementaire de Castromediano, député de la Droite historique, en se servant des actes parlementaires et des articles de journaux rédigés par le Bianco Duca. Il montre comment Castromediano appuyait même des propositions présentées par ses adversaires politiques, s’il les jugeait conformes à l’intérêt commun et à sa vision libérale et libériste. L’article de Filieri se concentre sur la vexata quaestio des dîmes et à la longue polémique, politique et personnelle, entre Castromediano et Beniamino Rossi, défenseur des propriétaires terriens qui n’étaient pas disposés à perdre leurs revenus fiscaux. Castromediano se distingue par sa défense cohérente des revendications des paysans contre ses propres intérêts de propriétaire et réussit à rédiger une proposition de loi particulièrement équilibrée. Scardicchio illustre l’engagement du duc pour répondre à l’urgence éducative dans l’Italie post-unitaire. Les lettres et les articles de journaux analysés font apparaître la vision laïque de l’instruction publique de Castromediano, exempte cependant d’anticléricalisme, et les espoirs de rachat social que la classe intellectuelle plaçait dans l’école et dans l’éducation.
De retour dans le Salento, Paolo Agostino Vetrugno met en lumière la contribution de Castromediano à la valorisation des biens culturels comme biens collectifs, en particulier par la mise en place d’une Commission pour la conservation des monuments patriotiques, dont il fut président entre 1869 et 1875, et surtout par la fondation du Musée provincial de Terra d’Otranto. Castromediano propose notamment un usage public de l’histoire pour éduquer la conscience civile des Italiens dans un sens unitaire. L’apport du Bianco Duca à la culture de sa région est également mesurable dans la richesse des Archives de sa famille, décrites dans l’article de Rosellina D’Arpe ainsi que dans sa très riche bibliothèque, dont nous parle Alessandro Laporta.
Le volume est complété par la description de textes rares et inédits de Castromediano : un extrait inédit du manuscrit des Mémoires mis au jour par Fabio D’Astore, un travail de vulgarisation d’une nouvelle de Boccace en dialecte de Lecce, analysé par Marco Leone, le manuscrit « Scardia » des Mémoires, en partie autographe, qui avait servi de texte base pour la publication des deux volumes Carceri e galere politiche, Memorie del Duca Sigismondo Castromediano publiés en 1895, récemment offert à Gigi Montonato qui l’a ramené dans le Salento.
L’ensemble du volume compose ainsi un portrait complet et vivant de Sigismondo Castromediano, qui permet sans aucun doute de lui attribuer une place significative dans l’histoire nationale du Risorgimento italien. On peut seulement regretter que le roman d’Anna Banti, Noi credevamo, publié en 1967 et récemment remis à l’honneur grâce au film homonyme de Mario Martone, qui est une des rares œuvres de fiction à mettre en scène Castromediano, ne soit cité que (trop) brièvement (p. 69-70 et 77). Mais cette lacune stimulera les chercheurs à s’intéresser davantage à ce grand personnage de la politique et de la culture en élargissant encore plus les champs d’observation.
[Recensione a Sigismondo Castromediano: il patriota, lo scrittore, il promotore di cultura. Atti del Convegno Nazionale di Studi (Cavallino di Lecce, 30 novembre- 1 dicembre 2012), sous la direction d’Antonio Lucio Giannone et Fabio D’Astore, Galatina (Le), Mario Congedo Editore, 2014. In “Transalpina. Études italiennes”, Université de Caen, n. 19, 2016, pp. 238-240]