Journaliste de guerre

Pour quelle raison ces journalistes ont-ils entrepris un tel voyage ? Quelle a été leur motivation ? Pour le savoir, il faut lire jusqu’à la page 257 : « C’est toujours comme ça, dans toutes les guerres, on parle d’avancées, on fait voir des images de destruction, mais les raisons individuelles pour lesquelles on meurt et on lutte, la vie quotidienne dans l’enfer du front et à l’arrière de ses décombres, les vies singulières avec leurs drames restent inconnues… ». Les raisons individuelles ? Peut-être le désir de faire la guerre, l’ennui d’une vie privée de sens, une idéologie contraire, ou encore un précédent choix de vie erroné ; et puis les drames individuels qui restent inconnus faute de quelqu’un pour en parler, voilà les motivations de ce reportage qui, par conséquent, si d’une part il renvoie la guerre à son absence de sens, et de l’autre ne cède pas à l’angélisme, s’avère équitablement distribué entre les deux fronts, à peu de choses près.

Cette page révèle non seulement les motivations, mais aussi le but des deux journalistes, défini en ces termes :« C’est pourquoi nous voulons y retourner. Pour crier – à notre petit niveau – que cette guerre existe, même si elle est souvent invisible, qu’elle continue de tuer, détruire, violer, mutiler, blesser, faire des veuves et des orphelins. Le seul devoir précis de tout journaliste – aujourd’hui – est de continuer à répéter ce mantra précis. Voilà ce que nous essaierons de faire. »

Il est tout à fait louable de leur part d’être ainsi déterminés à vouloir montrer au monde dans toute son horreur une guerre que l’Europe ignorait, mais pas sa classe dirigeante (les pages 199-205 qui nous font pénétrer dans la morgue archi-pleine de Donetsk sont terribles).

Je me demande cependant si cela peut être l’ultime et seul but du journaliste, son seul mantra.

« Tuer, détruire, violer, mutiler, blesser, faire des veuves et des orphelins » : la guerre a toujours produit de tels effets et les montrer au monde entier n’a jamais empêché le retour de la folie meurtrière. Si la fin ultime est de mettre la guerre à l’index, ne serait-il pas plus utile d’enquêter sur les causes qui l’ont produite et par conséquent en définitive de rapporter les raisons individuelles aux raisons collectives, comme le non-respect du système de la sécurité internationale que cette guerre a clairement mis en lumière ? Sceresini et Giroffi ne s’expriment pas là-dessus, ils sont peut-être plus prudents que coupables par omission. Leur récit reste malgré tout un témoignage précieux pour les futurs historiens qui pourront en déduire qu’en 2014 (mais déjà bien des années avant) la classe dirigeante européenne, pourtant parfaitement au courant de ce qui se passait en Ukraine, n’a rien fait pour empêcher le déchaînement des événements qui aujourd’hui troublent nos consciences.

7 juin 2023

[Traduzione di Annie Gamet]

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