di Annie Gamet
Il se peut que le lecteur de Vie nouvelle de Gianluca Virgilio, se demande pour quelles raisons ce petit récit d’apparence anodine continue d’occuper ses pensées même une fois le livre refermé. Car de quoi s’agit-il sinon d’une histoire propre à le distraire un instant de ses préoccupations, racontée on ne peut plus simplement selon son déroulement chronologique, dans une langue parfaitement limpide : un jeune homme de quinze ans aime une jeune fille de dix-sept qui ne l’aime pas, il n’ose pas le lui dire, fait semblant d’en aimer d’autres, il ment, un mensonge en entraîne un autre et l’éloigne de son aimée, il pleure beaucoup, tombe malade, écrit des quantités de vers qu’il commente inutilement… L’aimée meurt, il faut un certain nombre d’années pour oublier et trouver la paix enfin auprès d’une dame ironique. Et tout cela se passe dans quel lieu ? En Italie, sans doute, où vit l’auteur ; à quelle époque ? Dans un autrefois que le repère de la vespa permet d’inscrire dans la modernité. Pas de nom ni de prénom pour aucun des personnages : « Je », « ELLE », un meilleur ami, une dame à la fenêtre. Quant aux poèmes et commentaires dont il est beaucoup question, le lecteur n’en a lu aucun puisqu’ils ont tous été détruits par le jeune auteur.
D’où vient donc l’intérêt pour une telle histoire, certes touchante, mais si peu ancrée dans le réel ? Tout étonne, jusqu’au titre « Vie nouvelle » qui n’indique pas le sujet de ce récit mais désigne ce qui est à venir, en quelque sorte après la dernière page.
Le titre… À force d’y songer, le lecteur retrouvera sans doute tout au fond de sa mémoire le souvenir d’un autre livre qui porte le même titre. Il ne l’a peut-être jamais lu, mais il se souvient maintenant des citations valorisantes dans son manuel d’histoire littéraire : Vita nuova, une œuvre de jeunesse écrite par Dante Alighieri à la fin du XIIIe siècle. Et là, stupeur ! Se plongeant dans la lecture du petit livre de l’illustre auteur, notre lecteur découvre que tout ce qu’il vient de lire chez Gianluca Virgilio y figurait déjà : le récit à la première personne, la rencontre amoureuse en deux temps, dans l’enfance puis à l’adolescence, l’amour non partagé, le salut de l’aimée, donné puis retiré à celui qu’elle accuse de perversité et d’inconstance, la mort d’une amie, puis du père, les rêves annonciateurs de la mort de l’aimée et même les trois raisons pour lesquelles il n’en sera rien dit, l’importance de la dame à la fenêtre. En revanche, en ce qui concerne les poèmes et commentaires, un ensemble de sonnets et ballades écrits à divers moments et expliquées par leur auteur, juste soutenus par la trame légère en prose qui les présente de manière cohérente et ordonnée, ils sont l’essence même du livre.