J’ai lu La dictature européenne, ouvrage de l’anthropologue Ida Magli disparue en 2016, déjà farouche ennemie de l’UE en 1997, quand elle publiait son Contre L’Europe. Une anthropologue donc, pas une dilettante à la manque, mais quelqu’un de savant habitué à raisonner selon les principes de la science, ou plutôt sur la base d’une documentation incontestable. Son enquête, digne des meilleurs détectives, documente l’abaissement de la culture nationale auquel a mené le processus de constitution de l’UE, conduit dans le plus grand secret et en l’absence de toute consultation populaire, par la seule volonté des élites financières mondiales, et en particulier celle des États-Unis. À trente années de la naissance de l’UE, nous pourrions nous demander s’il existe encore une culture européenne ou si celle-ci n’a pas été supplantée par la culture anglo-saxonne qui a colonisé le vieux continent. Dans Comprendre le pouvoir (2022), Noam Chomsky observait cette chose incroyable : « L’Europe a été culturellement colonisée par les États-Unis à un niveau invraisemblable. Les Européens n’ont pas l’air de s’en apercevoir, mais si vous allez dans leurs pays, vous ne trouvez qu’une mauvaise copie des États-Unis, et c’est d’autant plus tragique qu’ils ont l’impression d’être indépendants. Les intellectuels d’Europe occidentale se voient volontiers comme des gens très subtils que ces grands bêtas d’Américains font rire aux éclats, ils ont pourtant subi un lavage de cerveau complet de la part des États-Unis. Vision du monde, distorsions et autres, tout est vu à travers le prisme des films, des téléfilms et des journaux américains, seulement désormais ils ne s’en rendent plus compte ».
Voilà ce que nous sommes devenus : une mauvaise copie des États-Unis d’Amérique. Donc l’Europe qu’Altiero Spinelli prédisait unie, car les horreurs des deux guerres mondiales ne devaient plus se répéter, a laissé place à l’Europe militarisée de l’OTAN, bras armé du pouvoir financier global, prête à fomenter une guerre au coeur d’une Europe élargie, qui coûte que coûte, veut rester divisée.
Dans ces conditions, pouvons-nous nous sentir citoyens de l’Union Européenne ?
[Traduzione di Annie Gamet]