di Annie Gamet
Une maison à soi, un toit, des murs, protection vitale contre les agressions du dehors, chaleur contre les rigueurs hivernales, ombre fraîche contre la brûlure de l’été.
espace privé, familier, amical, loin des contraintes de la vie sociale, espace de proximité pour une société librement choisie.
lieu clos de l’intimité préservée derrière les murs opaques, les portes fermées à clé, les fenêtres obscurcies par les persiennes baissées, où l’on peut enfin n’être que soi.
lieu ordonné, rangé, composé selon ses propres envies et ses goûts, d’espaces distincts, des plus ouverts aux plus secrets, du salon à la salle à manger, passant par la cuisine jusqu’à la chambre. Charme des coins et recoins, poésie du grenier, mystère des débarras, des placards.
intérieur opposable à l’extérieur, plantes en pot sur les guéridons, bouquets sur les tables, fusion du dehors dans le dedans, respiration et recherche des transitions, porosité des frontières que sont un balcon, une véranda, une pergola, une terrasse ouverte sur un jardin.
Nul mieux qu’Aurore Janon ne pouvait ressentir la correspondance essentielle entre la maison et la personne qui l’habite, elle qui depuis des années, dehors, dedans, observe, le pinceau à la main, ce que lui offre la nature, médite et cherche la forme que prendront ses pensées. Précision et finesse d’exécution, sensibilité, ses amis pouvaient sans crainte d’être déçus, lui confier la création d’une composition libre destinée à figurer chez eux sur deux portes de placard.
La matière lourde et pleine du bois s’allège, de la surface ne reste apparente que l’armature orthogonale des portes, derrière laquelle l’artiste fait entrer le jour, l’air, la vie luxuriante du jardin où s’entremêlent, aisément reconnaissables, bouillon blanc, bardane, plantain, pissenlit, gesse, grande berce… de ces herbes trop souvent mal aimées, jamais découragées de renaître, et de croître irraisonnablement. Le regard s’élève depuis la terre brune, de la densité de la végétation jusqu’à la grâce des tiges et du feuillage aux couleurs délicates, puis à la faveur d’un vol d’hirondelles, il se porte au loin, libre de se perdre dans la transparence.
Les portes du placard continuent de remplir leur fonction dans la maison amie, et tout en cachant l’espace de rangement, elles se donnent à voir. Devenues sous le pinceau d’Aurore Les portes aux Herbes Folles, elles éclairent l’environnement de leur présence particulière et j’en suis sûre, renouvellent le regard porté sur l’ensemble. Je ne connais pas la maison, ni ses occupants, mais j’aime à penser, lorsque je me promène dans les rues des villes, que derrière les façades infranchissables, il y a la vie.
10 février 2023