di Gianluca Virgilio
La question préliminaire que je voudrais poser dans cet article est celle-ci : croyons-nous vivre dans le meilleur des mondes possibles ou pensons-nous que ce monde soit loin d’être le meilleur et même qu’il faille s’efforcer de le changer ?
Il suffit de regarder autour de nous : guerres, famines, énormes inégalités sociales, un état de violence continuelle est présent au monde, dans le temps qu’il nous est donné de vivre. Dans le passé aussi, me dira-t-on, les hommes ont vécu le temps tragique de l’histoire, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. La question initiale reste pourtant posée et appelle une réponse : un autre monde est-il possible ?
La réponse apportée avec conviction par la culture mainstream occidentale est que notre démocratie est la réalisation achevée du vivre en commun et qu’on ne peut rien attendre de mieux du futur. En 1992 Francis Fukuyama décrétait déjà La Fin de l’histoire, ce qui ne signifie pas la fin de l’homme, mais assurément la fin du siècle des prétendus « grands récits » où chacun à sa manière s’efforçait d’imaginer un monde meilleur. Le libéralisme, idéologie consubstantielle au capitalisme postmoderne, nous a habitués à considérer non seulement que nous vivons vraiment dans le meilleur des mondes possibles comme disait le Pangloss de Voltaire, mais aussi que tous les maux viennent du manque de démocratie dans le monde, laquelle doit donc à tout prix s’exporter, car lorsqu’elle sera installée dans le monde entier, alors enfin la paix entre tous les hommes sera assurée, les guerres auront disparu, la famine ne sera qu’un vague souvenir du passé, nous serons tous heureux et contents. Fin de l’histoire, donc fin de la philosophie en tant que reflet de la pensée de l’histoire, autrement dit du sens de l’histoire. Si c’est la fin de l’histoire, pourquoi ne serait-ce pas aussi celle de la philosophie ? On le voit déjà dans nos écoles et universités où le savoir philosophique (avec l’histoire littéraire qui l’accompagne) est ramené à un savoir technico-scientifique, le seul à avoir quelque valeur, aussi bien que dans l’opinion qui l’assimile de plus en plus souvent aux matières dites « inutiles ».
Certes c’est là le discours dominant, mais il en est un autre qui s’y oppose fermement, bien représenté par Diego Fusaro, un philosophe né en 1983, très actif aussi dans le domaine social, qui dans Minima mercatalia. Filosofia e capitalismo (Bompiani 2012), se livre à une analyse critique de l’histoire de la philosophie : selon lui, celle-ci est loin d’être achevée, elle est au contraire encore à revitaliser à travers la relecture actualisée de l’idéalisme allemand, de Fichte à Hegel, en passant par Marx si maltraité, avec l’idée forte que loin de vivre dans le meilleur des mondes possibles, nous vivons dans le pire, celui où la culture dominante néolibérale voudrait nous convaincre de l’inanité de la pensée critique et de l’impossibilité de changer ce monde. Il faut changer le monde, dit Fusaro, pas en exportant un libéralisme destructeur de la planète avec son système productif prédateur, mais en redonnant à la politique sa première place depuis trop longtemps usurpée par l’économie. L’homme est un animal politique avant d’être un animal économique. Mais cela, le débat actuel semble l’avoir totalement oublié.
Fusaro serait-il un révolutionnaire dépassé ? Peut-être ! Cependant, à le lire, il semble qu’un autre futur soit encore possible ; et ceci est une bonne raison de le faire.
[Traduzione di Annie Gamet di Nuove segnalazioni bibliografiche 3. Si può cambiare il mondo?, “Il Galatino” a. LV n. 16 – 14 octobre 2022, p. 6. Poi in www.iuncturae.eu]