di Annie Gamet
Cette Yolande un peu dure m’admonesta gentiment :
– On m’a dit que c’était mal de faire ces choses-là.
– Vraiment ? dis-je.
Et m’écartant sans protester je m’allongeai et m’endormis sur le rebord du lit.
Marguerite Yourcenar, Quoi ? L’Éternité, Gallimard, p. 269.
Vieillir c’est conserver en soi les traces du temps qui s’écoule, laisser grossir dans sa mémoire le flot des expériences vécues, des plus lointaines aux plus récentes, en une accumulation de souvenirs, dont l’immense majorité sont si bien enfouis qu’on pourrait les croire oubliés. Pourtant certains reviennent à la surface, étonnamment précis, demandent à être pris en considération et repensés à la lumière de l’actualité, à être confrontés à la modernité, car le fait d’avoir vécu longtemps permet une mise en perspective des comportements et modes de pensées contemporains.
C’est ainsi que certaines crispations actuelles des relations entre les sexes, d’ailleurs largement amplifiées dans les médias, entre féminisme de combat, antisexisme et redéfinition de la masculinité, me rappellent deux épisodes, distants l’un de l’autre d’une quarantaine d’années, deux jalons sur la ligne du changement des mentalités.
1966. L’été de mes vingt ans. J’avais passé les premiers jours de mes vacances universitaires dans la maison de mes parents, le logement attenant à l’école communale du village que dirigeait mon père. Insouciance et farniente, plage, retrouvailles avec quelques anciens du lycée, en attendant de rejoindre ma « grande » sœur, qui elle, disposait d’une voiture, et de partir en voyage avec elle.
« Tu ne devineras jamais qui est venu me faire des avances en l’absence des parents il y a quinze jours ! Essaie pour voir ! »