Helèna est toute petite, mais très robuste. Le jardinet de la maison que ma mère cultivait autrefois et qu’après sa mort les mauvaises herbes avaient envahi est nettoyé et bêché, il y pousse de nombreuses plantes, et avec l’arrivée du printemps, on y voit aussi les fleurs ; la maison est soignée et parfumée de frais, et à notre retour d’école, la table est toujours mise. Quand il fait beau, Helèna pousse le fauteuil roulant pour une sortie au jardin public, puis elle rentre au bout d’une heure et regarde la télévision avec mon père. Elle s’assoit sur le canapé, là où s’asseyait ma mère, elle fait ses dentelles à l’aiguille qu’elle offre ensuite à Ornella, mon épouse ; à la fin de la journée, mon père sort de son bureau et regarde la télévision en sa compagnie. Le mercredi et le dimanche après-midi, Helèna va se promener deux trois heures avec ses amies : mon père reste seul et l’attend avec une certaine anxiété, regardant l’horloge. Le centre-ville fourmille de Roumaines, Polonaises, Ukrainiennes, des femmes de trente à soixante ans qui forment des groupes et se promènent entre les places San Pietro, Fortunato Cesari et la villa de la Stazione, en passant par la place Alighieri, tandis que des hommes du crû se montrent de temps en temps en voiture ou à moto en quête de loisir ou de compagnie. Si ces femmes sont venues ici pour cinq ou six cents euros par mois travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre, c’est vraiment qu’à l’Est de l’Europe il a dû se passer quelque chose de terrible dont nous savons bien peu et dont nous profitons actuellement sans trop de scrupules. Personne ne les a contraintes, bien sûr, elles seront libres de partir quand elles le voudront, qu’on n’aille pas dire que dans l’Europe nouvelle, les personnes ne circulent pas comme les marchandises.
Le mari d’Helèna est mort en décembre dernier et ce n’est qu’en mars après avoir touché son mois, qu’elle a pu payer la pierre tombale dans le cimetière de son village. Avec le prochain salaire, elle paiera une partie des soins de sa fille qui souffre des reins. Quand elle regarde ma fille Sofia en souriant, je sais qu’elle revoit sa petite-fille restée en Roumanie à qui elle téléphone chaque dimanche. Quand retournera-t-elle, elle ne le sait même pas elle-même, et de cela aussi elle nous fait la grâce.
[Traduzione di Annie e Walter Gamet]