di Gianluca Virgilio
Helèna est au service de mon père, elle a une soixantaine d’années et vient d’un lieu inconnu de la campagne roumaine, au grand dam des femmes de ménage d’ici, qui ne trouvent plus de travail. Elle est toute petite, avec des cheveux bouclés et des dents en or, produit de la fusion de son alliance et d’une petite chaîne, cadeau rituel chez les Grecs orthodoxes ; elle parle une langue inconnue, dans laquelle je distingue difficilement quelques mots de notre ancien latin très semblables à notre dialecte, et suffisants pour nous comprendre dans la vie commune. Elle a parcouru trois mille kilomètres en bus pour arriver jusqu’ici, vêtue d’un pantalon, d’un tricot et d’une paire de chaussures usées. À la main, un cabas contenant peu de choses. Au bout d’un voyage de trois jours, on est venu la prendre à Lecce pour la conduire sur la place de Galatina, là où je l’ai rencontrée un mercredi après-midi, toute hébétée dans un groupe de compatriotes. Il m’a semblé comprendre qu’on lui disait de ne pas s’inquiéter, de toute façon elle allait trouver rapidement un travail, et elle l’avait même déjà trouvé, vu que j’étais là à la regarder en pensant à quel point elle ressemblait aux femmes de jadis dans nos villages. Le lendemain après-midi, elle était chez nous et caressait la tête de mon père, voulant lui faire comprendre qu’avant toute chose elle allait s’occuper de lui, et il en fut ainsi.