Mon Dieu ! Je ne cesse de me battre chaque jour, chaque minute, contre la nostalgie, contre toutes les nostalgies, les nostalgies affectées qui encombrent l’âme. Je sais donc parfaitement que tout est destiné à passer, nous les premiers, avec tout ce que nous aimons et qui nous entoure, je sais parfaitement à quel point ne vivre que dans le souvenir parasite l’esprit. C’est pourquoi je ne suis ni ne veux être nostalgique ! Pourtant, je trouve abominable de se couper du passé, de l’annuler, de l’exclure de sa propre vie, de faire comme s’il n’avait jamais existé. Abstraction faite de ce que nous allons devenir, nous sommes seulement et exclusivement ce que nous avons été. J’estime intolérable un tel acte qui nous amoindrit, surtout quand il est perpétré de façon inconsciente ou pour un piètre avantage (faciliter les travaux de restructuration).
Voilà la place Alighieri, coeur palpitant de la soi-disant « Cité du vin », place née au XIXe siècle des fastes inoubliables liés à l’introduction de la viticulture, privée de son symbole vivant, la pergola de l’Institution « Colonna » ! En l’occurence, je ne sais ce qui est préférable : le ton de l’invective ou celui de l’ironie, de la deprecatio temporis agentis ou de la damnatio du commanditaire de ce méfait. Aucun d’eux, probablement, ne convient pour exprimer complètement le sentiment qu’inspire le spectacle de l’incurie, de l’inconscience, de la très profonde et gigantesque ignorance, cause d’un tel massacre.
« Elle était déjà en fleurs, elle aurait donné beaucoup de raisin, comme chaque année » dit quelqu’un.
Puis, changement de sujet, reviennent les embrouilles de la présentation des listes, les querelles des coalitions. La blessure semble déjà cicatrisée. En réalité, toute cicatrice reste imprimée dans le corps de la cité comme dans notre propre corps et nous rappelle chaque jour le traumatisme subi.
Je propose au juge de proximité d’ordonner au commanditaire du méfait de replanter une nouvelle vigne au même endroit, avec obligation d’en prendre soin sa vie durant, associé au tronçonneur effectif, ce dernier soumis à l’obligation d’arrosage les dix premières années suivant la plantation. Cela me semble juste ! Toutefois, la cicatrice restera parce que dorénavant, en passant par là, je ne pourrai pas m’empêcher de penser à ce qui est arrivé. D’ailleurs, la nouvelle pergola, si jamais elle voit le jour, plantée par de telles mains, quels fruits pourra-t-elle jamais donner ?
[Traduzione di Annie e Walter Gamet]