di Gianluca Virgilio
Longtemps, dans mon enfance, je me suis interrogé sur le passé de mon père. Chose étrange, j’ai toujours pensé qu’il n’y avait pratiquement rien à savoir sur ma mère, mais qu’en revanche mon père détenait un secret qu’il me fallait découvrir, car de cette découverte allait s’ensuivre quelque bienfait pour moi. Quant à expliquer pour quelle raison j’en étais venu à concevoir une telle idée, j’en serais bien incapable. Mais il est certain qu’au fil des années, cette enquête a fini par me lasser moi-même. Je sentais que, tant qu’elle durerait, je ne sortirais pas de mon état d’immaturité dont j’étais bien conscient, tel un enquêteur à l’obstination irraisonnée recherchant un coupable qui n’existe pas, donc introuvable, et ne se résignant pas à classer une affaire qui s’avère sans fondement. À présent, je sais que tout cela était le fruit de mon imagination juvénile et je sais aussi que c’est une grave erreur de vouloir connaître le secret d’un être cher, quel qu’il soit, parce que l’enquêteur viole ce qui constitue l’identité personnelle, d’une manière ou d’une autre il exerce une violence contre celui qui fait l’objet de l’enquête, et de plus inutilement. En fait, dans la plupart des cas, il n’y a pas de secret à découvrir et prendre conscience de cette vérité élémentaire signifie qu’on a fini de grandir, qu’on est devenu adulte, et qu’avec l’inévitable retour des choses, dès qu’on a des enfants assez grands, on est soi-même l’objet d’enquêtes tous azimuts. Si cela pouvait servir à quelque chose, en ce qui me concerne, je dirais dès aujourd’hui à mes deux filles de ne pas perdre leur temps à enquêter sur moi, parce que, lorsqu’elles auront mon âge, elles en comprendront l’inutilité. Mais à quoi bon ? Dans les rapports intergénérationnels, hélas, on ne constate aucun progrès, mais une continuelle et interminable répétition d’erreurs qu’en général on ne parvient à éviter qu’à l’âge adulte. En tout cas, avec ce récit autobiographique, mes filles sauront au moins que je n’ai jamais eu l’intention de me soustraire à leurs investigations.
Mon père avait un tel talent de conteur que je lui ai toujours reproché de ne pas avoir mis par écrit les anecdotes qu’il savait très bien raconter. Il s’y est toujours refusé, préférant écrire d’autres choses, les événements historiques de Galatina considérés à la lumière de la grande Histoire. Il a toujours tenu à nous présenter les petits événements de Galatina comme significatifs d’une histoire plus large, nationale, tandis que moi, j’aime les petits faits locaux pour eux-mêmes, sans autres relations entre eux que celles qui se déduisent naturellement du récit. À présent, mon père étant, comme je l’ai dit, parvenu à un âge avancé, il parle beaucoup moins et ses récits ne sont plus que des répétitions ; il ne prend plus la peine de varier l’histoire, mais utilise les mêmes mots, les mêmes pauses syntaxiques, ainsi que les mêmes intonations et je m’y suis tant habitué que, lorsqu’il ne retrouve plus un mot, c’est moi qui lui viens en aide en lui rappelant le nom ou le détail que je connais pour l’avoir déjà entendu de sa bouche je ne sais combien de fois. La matière des propos de mon père concerne des faits et des personnages de notre province et principalement de la partie située dans l’orbite de Galatina. Et je puis affirmer, pour en avoir fait mille fois l’expérience, qu’il adore parler de lui, raconter les histoires de sa jeunesse et de son entrée dans l’âge adulte. Voilà qui explique comment la conversation avec papa a parfaitement correspondu à mon désir de connaître son passé, c’est-à-dire cette partie de la vie de mon père dont je ne puis avoir de souvenir ; et comment entre nous les sujets de conversation ne manquaient pas, quand au cours de nos promenades en auto dans la campagne autour de Galatina nous prenions la direction des Padùli.
(2002/2014)
(Traduzione di Annie et Walter Gamet)