di Gianluca Virgilio
Dans la clarté d’un lumineux matin de mars, un vieil homme l’avait apporté en cadeau à de jeunes mariés. L’épouse l’avait installé dans un coin du salon, là où la lumière pénétrait à travers les vitres de la fenêtre, filtrée par un rideau de lin : lumière sans soleil, mais lumière quand même, de l’aube au crépuscule. Il ne manquait ni d’eau ni de soins. Dès que ses jeunes branches piquaient, elles étaient presque quotidiennement passées au chiffon doux qui en éliminait la poussière ; et elles étaient fréquemment aspergées d’une légère vaporisation qui en rendait les feuilles luisantes. Ainsi croissait le palmier, comme on peut croître dans un salon, dans un petit pot de terre cuite. Il voyait autour de lui des enfants vifs et agaçants qui lui infligeaient des peines injustes : une feuille arrachée, un peu de terre enlevée, des racines mises à nu, les branches violemment secouées par un ballon. Heureusement leur mère intervenait toujours en sa faveur, réprimandant les enfants et les éloignant dans une autre pièce.
Avant d’être apporté par le vieil homme dans cette maison, le petit palmier avait passé trois ans dans une serre en compagnie de centaines de jeunes palmiers alignés sur des planches de bois, dans un grand hangar dont les nombreuses lucarnes dans le toit laissaient passer lumière et chaleur. Des journées toutes semblables s’étaient succédé pendant tout le temps qu’il était resté planté dans son petit pot. Puis il avait été transplanté dans un pot plus grand pour être vendu au marché. Aucune racine n’avait été cassée dans cette circonstance, mais la disparition soudaine du périmètre à l’intérieur duquel il avait vécu l’avait secoué dans le tréfonds le plus intime de son tronc fragile, les branches elles-mêmes s’en étaient trouvé déstabilisées. Il en avait retiré une triste sensation d’arrachement et de mort. Lentement il avait étendu ses racines dans la terre fraîche et grasse à l’intérieur du pot de plus grande contenance. Lors du bref déplacement de la serre au fourgon destiné à le transporter au marché, une vision lui était apparue, soudaine : au-dessus de lui s’était ouvert tout grand un espace infini plein d’une lumière émise par une grande lampe, un souffle printanier parfumé d’essences inconnues l’avait envahi jusque dans les branches, même celles encore à poindre. Puis dans le fourgon obscur et bruyant, une nouvelle sensation de mort, l’espoir que la vision revienne et que le ciel, le soleil et le vent deviennent pour toujours le cadre de son existence. Qu’il était doux le soleil de mars sur la place du marché où il avait été déchargé et où il s’était mis à vibrer ! Voici donc d’où lui parvenait la chaleur qui l’avait nourri jusqu’alors ! Il avait toujours soupçonné qu’à l’existence d’un dedans correspondait celle d’un dehors et que lui-même par erreur était né dedans alors qu’il aurait dû naître dehors. Maintenant il savait ce que pouvait être la vie.
Puis le vieil homme l’avait acheté et le petit palmier s’était retrouvé dans le salon. Là, il avait passé quatre années, croissant en hauteur et en largeur ; années faites toujours du même air, de la même eau et de la même lumière, traversées par la même peur des jeux enfantins, dans une terre qui s’était remplie de nombreuses racines s’entremêlant à en suffoquer. Avec le temps, le palmier donnait des signes évidents de sa réclusion : les branches trop frêles et la pâleur grisâtre du feuillage en dénonçaient l’état d’asphyxie avancé.
Un jour, un enfant se piqua, il poussa un cri de frayeur, suivi d’un déluge de larmes, appelant sa mère à l’aide. C’est ainsi que le palmier fut transféré dans la cour de l’immeuble collectif : du béton partout, en haut un petit morceau de ciel et le soleil uniquement à midi ; du vent, n’en parlons pas : à la place, les effluves de l’air conditionné et les relents de déchets domestiques provenant des habitations voisines. Les chiens de tout le voisinage, accompagnés de leurs maîtres, semblaient attirés par cette plante qu’ils honoraient régulièrement en levant la patte. En aucun cas le ciel trop restreint de la cour ne pouvait le maintenir en vie. Les branches ne tardèrent pas à s’affaisser et à s’étioler. Le palmier fut alors transporté dans la décharge la plus proche où il resta abandonné, privé de son pot, à moitié recouvert de restes nauséabonds dans lesquels se confondait son feuillage flétri.
Il plut, un bourgeon apparut à la base de son tronc desséché. L’homme de la décharge le recueillit et le planta dans un petit trou creusé à proximité des ordures, l’arrosant pour la première et la dernière fois. Le ciel ensuite fit le reste.
(2011/2013)
(Traduzione di Annie et Walter Gamet)