Le zizi du petit Jésus

di Annie et Walter Gamet

Qu’importe que, dans notre douce Europe, on s’acharne à détruire tous les acquis sociaux, à détricoter point par point le tissu des solidarités et à mettre les peuples au régime sec… La fête, c’est sacré et Noël plus que tout. La société marchande nous enjoint de racler les fonds de tiroirs, de nous ruer dans les supermarchés bondés aux décorations clinquantes, pour nous gaver jusqu’à plus soif, le jour venu, de nourritures plus ou moins frelatées, au mieux aseptisées. Quant aux enfants aux yeux émerveillés, ils s’apprêtent à crouler sous l’avalanche de cadeaux dûment contrôlés, garantis, brevetés, estampillés CE-made in China. Noël, une sacrée tradition ! Et du coup, abasourdis par ce tohu-bohu mercantile, nous omettons de nous insurger devant le traitement proprement scandaleux infligé à celui qui devrait être le roi de la fête, relégué au fond de sa crèche, le petit Jésus.

Enfin quoi ! Réfléchissons un peu ! Un nouveau-né exposé nu comme un ver, en hiver, dans la mangeoire d’une étable éventée, voire dans les ruines d’un temple gréco-romain, c’est criminel, non ? Quelle dose d’indifférence nous faut-il pour croire que le souffle chaud et humide d’un boeuf et d’un âne qui partagent le même toit plus ou moins crevé lui suffise. Voyons actuellement : de Bethléem à Gaza, en passant par Jénine, aucun bambin palestinien,  même après un déluge de bombes, de feu et de plomb durci, ne court les rues cul nu ! Que ne dirait-on pas dans nos contrées hautement civilisées ? Les philosophes médiatiques et les journalistes bien-pensants embarqués dans les chars des fils d’Abraham auraient matière à gloser et ne se priveraient pas de vilipender les mauvaises mères qui ne sont autres que les filles d’Ibrahim.

Et Marie, elle, bien emmitouflée dans son voile presque intégral, toute fière d’exhiber son mâle vermisseau dans le plus simple appareil à la vue des rois mages, des bergers et tutti quanti, urbi et orbi, personne, non personne jusqu’à maintenant, n’a songé à l’accuser de maltraitance, pas même le bon pape François, qui, parmi les oeuvres corporelles de miséricorde, a pourtant la charge de « vêtir ceux qui sont nus »1. Mais après tout, peut-on se dire, ce bel enfant échappera forcément à tout virus de grippe, fût-elle aviaire, porcine, espagnole, asiatique ou autre, puisqu’il est divin. Eh bien, on se trompe : c’est justement pour faire oublier sa divinité qu’il lui faut montrer son zizi, signe ostentatoire d’humanité. C’est du moins l’idée qu’on s’en fait à la Renaissance2, où l’appendice sacré est exposé à tout-va dans les innombrables représentations de La Nativité et de L’Adoration des mages, des bergers, sans compter celles de La Circoncision. Voilà comment, d’un coup de pinceau magique, les célébrations payennes du solstice d’hiver se trouvent recyclées en fête chrétienne de l’Incarnation. Certes, le petit Jésus est des nôtres puisque, comme tout enfant, il tète goulûment le sein de sa mère, il joue, facétieux, avec un oeillet, une grenade ou du raisin, un chardonneret…, tout cela, bien sûr, chargé d’un grand poids symbolique… Mais, le zizi, ne nous y trompons pas ! Si, dans les représentations de La Sainte Famille et notamment de La Vierge à l’enfant3, la Madone tend une main protectrice devant le petit sexe, c’est, mine de rien, pour mieux le désigner. Ainsi, nous pouvons tous témoigner et proclamer au monde : il en a un, c’est un homme, un vrai4 !

Le plus drôle dans cette histoire, c’est qu’il ne s’en est pas servi, que c’est donc beaucoup de bruit pour rien, diront peut-être quelques mauvais esprits !

 

Notes

1- Matthieu, Évangile, 25, 35-45

2- Ce texte se réfère à Léo Steinberg, La Sexualité du Christ dans l’art de la Renaissance et son refoulement moderne, Gallimard, L’Infini, 1987.

 

 

3- Par exemple La Vierge à l’enfant de Jacopo Bellini à l’Académie Carrara de Bergame.

 

 

 

 

 

 

 

4- De Giulio Romano (de son vrai nom Giulio Pippi !) on peut voir au Louvre une Adoration des bergers avec le zizi du bambino érigé vers le ciel.

 

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